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le défi de la souveraineté monetaire

L’Afrique Francophone Face À Ses Défis( 5ème Défi )

LE DEFI DE LA SOUVERAINETE MONETAIRE

Boubacar DIALLO
Juillet 2019

Le 55ème Sommet Ordinaire des chefs d’Etats de la CEDEAO à Abuja, a validé le rapport du Comité Technique du groupe de travail sur le programme de la monnaie unique de la CEDEAO, dont l’entrée en vigueur est prévue pour l’année 2020. C’est assurément une avancée notable vers une souveraineté monétaire. Et un véritable défi !
Mais, faut-il y voir un simple effet d’annonce, compte tenu du fait que ce projet, initié depuis 36 ans, a été constamment repoussé, mais aussi de l’implication et la participation d’ardents défenseurs des Accords Monétaires Franco-Africains ? Ne serait-ce pas plutôt un « contre-feu » pour éteindre quelque peu, la polémique qui, en Afrique et jusqu’en Europe, n’a cessé d’enfler ces derniers temps sur le FCFA, présenté comme le symbole de la domination française dans les 14 états africains de l’ouest et du centre qui l’utilisent aujourd’hui, et la principale cause de leur appauvrissement ?
Se peut-il que la France veuille se désengager de son partenariat monétaire avec les pays de la zone franc ?

S’il est vrai que, pourfendeurs comme défenseurs, tous s’accordent sur la nécessité de faire évoluer la politique monétaire de la zone franc, bâtir une véritable indépendance monétaire ne se fera pas d’un coup de baguette magique tant les difficultés à surmonter sont nombreuses et complexes.
L’appréciation de l’enjeu, des exigences et des implications de la création d’une nouvelle monnaie, impose d’analyser l’existant et de tenter de répondre à certaines préoccupations essentielles : le FCFA est-il réellement néfaste pour les pays africains de la zone franc ? L’est-il devenu pour la France ? Les états membres de la CEDEAO sont-ils aujourd’hui en capacité, économique et politique, de soutenir une monnaie indépendante ?

LES ACCORDS MONETAIRES FRANCO-AFRICAINS.

A leur accession à l’indépendance, dans le cadre du transfert de souveraineté, les nouveaux Etats africains convinrent avec l’ancienne puissance coloniale de nombreux Accords, parmi lesquels ceux relatifs au problème monétaire.
Dès 1962, parallèlement aux réformes politiques, la France entreprend de réformer sa politique monétaire.

Aux termes de ces Accords, la réforme monétaire intervenue dans ces Etats, s’articulait autour des points suivants :

  • la création de l’Union Monétaire Africaine ;
  • la création de deux Instituts d’Emission, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et la Banque Centrale des Etats de l’Afrique Centrale (BCEAC) ;
  • la mise en circulation de signes monétaires qui avaient cours libératoire dans les colonies, le Franc des Colonies Françaises d’Afrique (FCFA) devient à l’Ouest le Franc de la Communauté Financière Africaine (FCFA) et au centre le Franc de la Coopération Financière Africaine (FCFA) ;
  • une garantie de convertibilité illimitée apportée par le Trésor français à la monnaie émise par ces deux Banques Centrales ;
  • La fixité des parités entre le franc français et le CFA ;
  • La centralisation des réserves de change via l’ouverture d’un Compte d’Opérations auprès du Trésor Français pour « gérer’ les avoirs extérieurs de chacun des Etats regroupés en une Union Monétaire ;
  • le transfert sans limite à l’intérieur de la zone franc.

En 1974, au renouvellement des accords monétaires, quelques modifications ont été apportées aux accords initiaux dont notamment:

  • la possibilité laissée aux deux banques centrales de diversifier leurs réserves et en détenir un pourcentage sous une forme autre que le Franc Français;
  • la compensation partielle des pertes subies par les Etats de l’Union du fait du changement de la valeur du franc Français par rapport aux autres monnaies etc.

Pour gérer cette monnaie, les règles mises en place confèrent aux représentants du Gouvernement français dans les Conseils d’Administration des banques centrales, un rôle prépondérant. Par ailleurs, pour le cas de l’ouest, deux verrous essentiels ont été mis en place, dont l’un relatif au Siège de l’Institution, situé au Sénégal et l’autre, relatif au poste de Gouverneur, confié depuis 1962, à la Côte d’Ivoire, deux pays Inconditionnels de la France.
En dehors de la Guinée de Sékou Touré mis au ban et du Mali de Modibo Kéita qui dans le même temps disposait de son droit régalien de battre sa propre monnaie, l’ensemble des Etats africains adhérèrent à cette réforme monétaire, qui, à ce jour, prévaut toujours en Afrique francophone.
Il faut cependant, pour saisir le problème du CFA dans sa globalité, remonter bien au-delà des années de décolonisation et des indépendances, jusqu’à la période de la conquête coloniale.
En effet, cette monnaie, le FRANC CFA, circule dans les anciennes possessions de la France depuis que ses premiers commerçants ont commencé à s’installer, dans le sillon de son armée de conquête coloniale. Les sigles, parfois, apparaissent comme d’étranges raccourcis de l’histoire. Celui du Franc CFA, concentre en lui seul, toute l’histoire des relations franco africaines, de la pénétration coloniale à l’Afrique indépendante, jusqu’à nos jours. De Franc des Comptoirs Français d’Afrique (CFA) pendant la période de la pénétration coloniale, elle est devenue, à partir du 1885, le Franc des Colonies Françaises d’Afrique (CFA), puis en 1962, aux termes des Accords Monétaires Franco- Africains, le Franc de la Communauté Financière d’Afrique à l’Ouest (CFA) et le Franc de la Coopération Financière Africaine au Centre (CFA).
Ces accords monétaires franco-africains, il faut le reconnaitre, sont sans équivalents dans le monde. Dans l’histoire de la décolonisation, la France est la seule puissance occidentale à avoir deux types de monnaie: l’un, métropolitain qui a cours libératoire sur son territoire et l’autre postcolonial, qui circule dans ses anciennes colonies d’Afrique, alors que du côté de la Grande Bretagne, l’autre grande puissance colonisatrice en Afrique, le système monétaire colonial basé sur la livre-sterling ouest-africaine et la Caisse d’émission d’Afrique de l’Ouest, ainsi que la livre-sterling est-africaine et sa caisse d’émission ont été abolies respectivement en 1968 et en 1977, conférant ainsi à ses anciennes colonies la souveraineté monétaire.
C’est ce « cordon ombilical » non coupé qui alimente la polémique sur la problématique du CFA et sur la volonté de la France de garder le contrôle sur les états de la zone franc. L’arrimage du Franc CFA à l’Euro, en janvier 2002, apparaissant alors aux pourfendeurs de la Coopération franco-africaine, comme l’expression de cette volonté.
La dimension psychologique autour du FCFA est donc importante.

Le FCFA : handicap pour les pays africains de la zone franc, ou bouc émissaire ?

Faut-il occulter tous les avantages que tirent du FCFA les pays africains de la zone franc, et ne se focaliser que sur des griefs dont beaucoup relèvent du symbolique ? La souveraineté monétaire exige-telle nécessairement que l’on jette « le bébé » CFA avec « l’eau du bain » français ?
Ne faut-il pas plutôt, pour le moment, rechercher un rééquilibrage du dispositif en s’attaquant aux obstacles qui empêchent les pays africains de la zone de profiter plus et mieux d’une zone économique et monétaire homogène et intégratrice ?

Parmi les griefs faits au FCFA, l’atteinte à la souveraineté des Etats est régulièrement citée. Les arguments étant entre autre, que les billets de banque sont imprimés en France, que cette dernière siège au conseil d’administration des banques centrales (BCEAO et BCEAC), que les Etats francophones d’Afrique sont privés d’une grande partie de leurs devises dont la moitié doit être logée dans le fameux compte d’opérations au niveau du Trésor Français, que le FCFA est non convertible en dehors de la zone franc, que l’arrimage du FCFA au Franc Français et maintenant à l’Euro, monnaie forte par excellence, contribue à l’extraversion des économies des pays africains de la zone franc, en favorisant leurs importations notamment d’Europe et en brimant leurs exportations, que la politique de change fixe freine la compétitive des économies africaines, etc. L’ultime grief étant que la France appauvrit les autres partenaires de la zone en pillant leurs richesses via le FCFA.

Ces arguments ne sont pas farfelus et ne doivent pas être balayés d’un revers de la main. Mais il y a une sorte d’amalgame née des relations séculaires avec la France qui, il faut le reconnaitre, n’ont pas toujours exemptes d’arrières pensées et de reproches. Mais résistent-ils aux faits, à la réalité actuelle des pays africains de la zone franc ?
Il est indéniable que le FCFA et plus globalement les Accords Monétaires Franco-Africains qui sont assortis d’une coopération politique, ont largement profité à la France. Dans l’entre deux guerres mondiales, dans les années 1930, la zone monétaire a permis à la « métropole » de renforcer ses réserves de change, bien malmenées par la première guerre mondiale et surtout par la grande crise de 1929. Le système lui a par ailleurs permis de sécuriser ses sources d’approvisionnement et ses débouchés commerciaux. Les entreprises françaises ont longtemps contrôlé des pans entiers des économies de la zone franc africaine. La signature des Accords Monétaires après les indépendances a, d’une certaine façon, consacré ces pratiques à travers, la centralisation de la moitié des réserves de change des pays membres auprès du Trésor Français, la règle du taux de change fixe et celle du transfert sans limite à l’intérieur de la zone qui profitent surtout à ses entreprises.
Enfin, la garantie illimitée qu’elle accorde au FCFA lui apporte le soutien politique des états de la zone et un poids certain au sein des instances internationales.

Mais il est tout aussi indéniable que les pays africains de la zone franc tirent des avantages certains des mécanismes du franc CFA.
La zone se caractérise par une stabilité monétaire. Au regard de l’évolution historique de nombreux pays africains hors zone franc, force est de constater que ceux de la zone franc ont bénéficié d’une relative stabilité monétaire. Selon A. Delage (le franc CFA, bilan et perspectives, éd l’harmattan), de 1960 à 1992, le Cedi du Ghana s’est déprécié de 34921,4% par rapport au dollar US, le Naira du Nigeria a subit une dépréciation de 2724,2% par rapport au dollar, ou encore le Zaïre qui s’est déprécié de 3 397 736 000% par rapport au dollar (un dollar de 1960 permettait d’acquérir 0,05 Zaïre, fin 1992, ce même dollar permettait d’acquérir 1 698 868 Zaïres), alors que le franc CFA, durant la même période, ne s’est déprécié que de 8,2% par rapport au dollar.
La fixité des taux de change par rapport à la monnaie de référence, en l’occurrence aujourd’hui à l’Euro, est gage de la stabilité des prix et permet la prévisibilité dans les transactions, notamment pour les investissements ou les placements. Elle gomme les incertitudes liées au système de change flottant.
La convertibilité et la transférabilité internes des capitaux qui, peuvent circuler à l’intérieur de la zone sans aucune formalité particulière ni blocage est aussi un vrai avantage. Un simple ordre de transfert suffit pour déplacer la monnaie d’un pays à l’autre. Cette libre circulation des capitaux est facteur de croissance et de développement des économies de la zone.
La convertibilité et la transférabilité externes des capitaux sont aussi de vrais avantages, en ce sens que toutes les monnaies de la zone franc sont convertibles entre elles et dans la monnaie de référence. La règle de la garantie illimitée du FCFA lui confère une crédibilité internationale permettant aux pays de la zone d’opérer des transactions à l’international pour leurs besoins, et aux étrangers d’investir et de commercer plus facilement avec eux. Les transferts internationaux de capitaux peuvent être effectués sans difficulté par le système bancaire des pays de la zone. L’adhésion de la France à l’Union Européenne et le rattachement du FCFA à l’Euro, amplifie ces avantages, en ce sens que le pays de référence n’est plus la France seule, mais l’ensemble des pays de la zone Euro. Ceci est sans conteste une opportunité pour les pays de la zone, en termes d’ouverture, d’approfondissement des marchés, d’investissements directs étrangers, etc.
Ce qui est aussi et surtout à noter, c’est que la France apporte de la rigueur à la gestion du FCFA. En application de la règle de la gestion commune de la monnaie et du crédit, la France pèse de tout son poids au sein des conseils d’administration des banques centrales, pour éviter les décisions hasardeuses voire laxistes. Par ailleurs, elle apporte son savoir-faire notamment en matière de programmation monétaire afin de permettre aux pays d’adapter le volume des crédits au volume de la production et assurer ainsi l’équilibre de la balance des paiements.
Enfin, la zone franc africaine, à travers la règle de la solidarité entre les membres et l’utilisation et la gestion en commun de la même monnaie jette les bases d’une véritable intégration régionale, économique et politique.

Cependant, comme toute zone économique et monétaire, elle est en interaction avec les autres économies et doit donc faire face à certaines contraintes. Pour les pays africains, l’arrimage à l’Euro n’a pas que des avantages. Avec des exportations basées essentiellement sur les produits primaires du sol et du sous-sol dont les cours sont libellés en dollar, le niveau élevé de l’Euro par rapport au dollar les rend moins compétitives sur les marchés externes. En revanche, il facilite les importations, principalement de l’Union Européenne et accentue la distorsion de leur économie. L’instabilité du marché des matières premières combinée à la faible productivité des économies peuvent à terme, impacter négativement leurs réserves de devises et les entrainer dans un cycle de dévaluation. Ce risque est accru du fait qu’en tant que monnaie internationale, et comme toute monnaie internationale, l’Euro est volatile et son appréciation régulière peut entraîner la dépréciation régulière du FCFA.
Pour autant, l’image négative qui colle au FCFA, tient moins à l’articulation de la monnaie, qu’aux turpitudes de la « françafrique » définie par l’ONG Agir Ici et Survie comme « la nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires en France et en Afrique, organisés en réseaux et lobbies, et polarisés sur l’accaparement de deux rentes : les matières premières et l’aide publique au développement ». Par ses méthodes nauséeuses, des dirigeants, des plus burlesques au plus incompétents en passant par des plus sanguinaires, ont été imposés et maintenus à la tête de la plupart de ces états, leurs seules vertus étant la soumission à la France et la préservation de ses intérêts. Des présidences à vie, voire dynastiques avec ce que cela implique de corruption, de népotisme, de gabegie, d’érection de réseaux criminels et mafieux jusqu’au sommet des Etats s’adonnant à toutes sortes de basses œuvres, de pillage et de détournement à grande échelle, s’observent dans nombre des états de la zone franc et expliquent en grande partie la situation peu reluisante dans laquelle ils se retrouvent aujourd’hui.
Mais globalement, l’édifice tient depuis près de soixante ans.

La France cherche-t-elle à se désengager de la zone franc ?

La question mérite réflexion au vu de la célérité, voire de la précipitation manifestée depuis quelques mois par les pays membres de la zone franc d’Afrique de l’ouest, notamment les plus ardents défenseurs du FCFA, pour la création d’une nouvelle monnaie CEDEAO. La France a-t-elle donné son aval à ce projet? Y participe-t-elle ? En ce cas, cherche-t-elle alors à se désengager de la zone franc ? Ou est-il simplement possible d’imaginer qu’elle ait été tout simplement mise sur la touche sur ce projet qui annonce clairement le début de la fin de la coopération monétaire franco-africain ?
Les questions demeurent pour le moment.
Toujours est-il qu’en ce 21ème siècle, force est de reconnaitre que la donne change, autant en France que dans les états africains de la zone franc.
La guerre économique et la crise financière internationale qui, depuis peu, secouent les Nations Occidentales, les amènent, toutes, à chercher à s’ajuster et la France n’échappe pas à cette règle. Les populations africaines, de mieux en mieux informées, savent que l’économie française s’épuise, que son déficit budgétaire s’alourdit, que son taux de chômage augmente et sa xénophobie aussi ; qu’elle se voit contrainte de réduire son train de vie, de chercher à maîtriser son déficit, de financer les retraites et de résorber le déficit de son système de Sécurité Sociale.
Avec une classe politique renouvelée, n’ayant pas connu les années de décolonisation et les tribulations de la « françafrique », ne va-t-elle pas revoir, de fond en comble, sa politique africaine si d’aventure celle-ci lui coûte plus qu’elle ne lui rapporte ?
Plusieurs indicateurs laissent penser à un virage de la politique africaine de la France.
En tout premier lieu, les Etats Africains de la zone Franc n’offrent plus sur le plan économique, qu’un intérêt somme toute marginal. Les matières premières qu’elles soient agricoles ou minières, qui ont été à la base de la prospérité de certains d’entre eux (coton, café, cacao, bois, etc.), ont perdu, progressivement, leur position dominante sur le marché international du fait des progrès réalisés par les Etats d’Amérique Latine, d’Asie, des Caraïbes et du Pacifique. Peu performante, l’économie africaine, dans la compétition internationale, s’épuise et perd du terrain. Que dire de tous ces autres Etats et qui sont les plus nombreux, qui n’ont rien à offrir et dont les dirigeants ont choisi, de faire de la mendicité internationale le credo de leur politique de développement.
En second lieu, sa part de marché en Afrique se réduit comme peau de chagrin face à la concurrence des pays émergents avec en tête la Chine. Les produits en provenance de ces pays, à la fois variés, peu coûteux et plus adaptés aux besoins des populations africaines, la souplesse dont ces pays font preuve dans leur coopération avec l’Afrique, sont autant d ‘éléments qui présagent, au plan économique, d’un rétrécissement de l’influence de la France dans les états de la zone franc d’Afrique.
De ces situations et de beaucoup d’autres, découle alors la nécessité de faire évoluer le système monétaire de la zone franc.

Les pays de la CEDEAO sont-ils en capacité aujourd’hui de créer une monnaie commune ?

Les Etats africains de la zone ne peuvent plus faire l’économie d’une profonde réflexion sur l’orientation de leur propre politique économique et monétaire. Le projet de monnaie unique de la CEDEAO, en gestation depuis 1983, s’inscrit dans ce processus. Mais rien n’est moins sûr quant à son effectivité pour 2020, tant les difficultés sont nombreuses et semblent insurmontables.

Les propositions avancées pour le moment,  pour la monnaie CEDEAO sont les suivantes :

  • La monnaie s’appellera ECO ;
  • Le régime de change sera flottant, assorti d’un cadre de politique monétaire axée sur le ciblage de l’inflation ;
  • La future Banque Centrale sera un système fédéral des différentes banques centrales ;
  • Les Etats membres devront prendre des mesures pour respecter durablement les critères de convergence macroéconomiques, surtout les quatre principaux (taux d’inflation à un chiffre dans l’année ; un déficit budgétaire ne dépassant pas 4% du PIB ; un plafond de financement du déficit par la banque centrale de 10% des recettes fiscales de l’année précédente; des réserves extérieures brutes capables de couvrir les importations pour une durée minimum de 3 mois).

Dans cet attelage, le Nigéria, le géant anglophone de l’Afrique de l’Ouest, avec son PIB une fois et demi supérieur à celui de toute l’UEMOA et qui représente à lui seul, 76% des échanges en Afrique de l’ouest, devrait jouer un rôle prépondérant et être vraisemblablement le principal pilier dans la construction de cette nouvelle monnaie sous régionale, ce qui, cela va de soi, ne manquera pas de poser un certain nombre de difficultés, au premier rang desquelles, l’antagonisme qui l’oppose surtout aux deux grands de l’UEMOA à savoir la Côte d’Ivoire et le Sénégal.
Comment alors concilier les intérêts divergents des francophones de l’UEMOA cornaqués comme ils le sont et les pays anglophones ? La France va-elle accepter de voir les états de la zone franc se mettre sous la férule du Nigéria ? Il est aisé d’en douter au regard de tout ce qui a été entrepris depuis les indépendances dans les états francophones d’Afrique de l’Ouest pour faire contrepoids au géant nigérian. Par ailleurs, la fracture au niveau de l’Union Européenne avec la sortie programmée de la Grande Bretagne et l’exacerbation de la rivalité entre français et britanniques qui va en découler, ne vont-elles pas s’inviter sur le continent africain et torpiller les initiatives communes aux deux blocs ?
Seul l’avenir pourrait donner plus d’éclairage sur la question.
Au plan économique, les pays francophones de la CEDEAO ne risquent-ils pas de souffrir de la politique monétaire très volatile du Nigéria ?
Et que dire du respect des critères de convergence économique, condition sine qua non pour la création d’une Union Monétaire ? Aucun des 15 états membres ne les respecte.
Par ailleurs, vu le faible niveau d’intégration des économies de la zone CEDEAO, comment harmoniser les politiques économiques de ces pays aux profils si différents ? Comment garantir l’indépendance et le sérieux de la nouvelle Banque Centrale ?
En attendant, que des réponses soient apportées à ces interrogations, il faudra d’ores et déjà admettre et intégrer le fait que la souveraineté monétaire aura indéniablement un coût politique et économique.
L’espace CEDEAO cependant, avec ses 300 millions d’habitants, jeunes aux deux tiers, ses ressources marines, agricoles, minières, pétrolières, a assurément le potentiel pour ériger une fondation économique solide.
Pour autant, la monnaie étant à l’économie ce qu’est le sang au corps, beaucoup de problèmes devraient être préalablement réglés.
Pour assoir une croissance économique durable et les fondamentaux pour une monnaie crédible, ces économies doivent opérer une transformation structurelle qui s’articule autour du triptyque suivant :

  • la stabilité macro-économique fondée sur une gestion saine et efficace des finances publiques ;
  • Un cadre réglementaire efficace ;
  • Un système monétaire et financier fonctionnel.

La bonne gouvernance est essentielle pour la transformation structurelle et réciproquement. Aussi, dans les 15 états de la CEDEAO, dont aucun ne peut, loin s’en faut, se targuer d’une gouvernance irréprochable, de profonds changements sont indispensables.
Les standards de gouvernance devraient être rehaussés, par une lutte implacable contre la corruption, le principal fléau, par une gestion saine et rigoureuse des deniers publics et la reddition des comptes, par l’adaptation et la consolidation des Institutions, par l’instauration d’une justice saine et réellement indépendante, par une administration modernisée et efficace, par la rationalisation des recettes et des dépenses publiques.
La respectabilité et la crédibilité sont à ce prix.

Au plan économique, les reformes devraient être faites pour assainir le climat des affaires et créer un environnement attractif et favorable pour les investisseurs, nationaux ou étrangers. Des investissements massifs devraient être faits sur le secteur primaire, pour le diversifier et le moderniser. Le manque d’infrastructures et les problèmes énergétiques doivent être réglés, afin de créer les conditions favorables à l’éclosion d’une industrie de transformation. La formation scolaire et professionnelle doit être adaptée à la dynamique industrielle et permettre le développement de l’entrepreneuriat. Le secteur privé doit être encouragé et dynamisé.
L’amorce d’un décollage économique est à ce prix.
La crédible et la solidité de la nouvelle monnaie dépendront de la capacité des états membres de la CEDEAO à transcender ces difficultés pour s’inscrire dans une vraie dynamique de développement. A leurs risques et périls, ils se doivent de prendre leur destin en main.
Le défi peut être relevé. Il doit être relevé.
Et nous viennent à l’esprit ces mots de Théodore ROOSEVELT, que nous dédions à la mémoire de Modibo KEITA et de tous ceux qui ont rêvé pour l’Afrique, d’une voie autre que celle voulue par l’Occident :
« S’il échoue, qu’au moins il échoue en osant de grandes choses de sorte que sa place ne soit jamais parmi ces âmes froides et timides qui ne connaissent ni la victoire, ni l’échec ! ».

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